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Le Paraguay, vu de là-bas

 

Sur les ondes

les Art-terriens, le 13 février 2011,

 

Quand nous pénétrons dans la maison de notre ami Victor Hugo, nous sommes surpris de découvrir que la pièce du salon où trônait jadis le canapé est transformée en… studio de radio ! Deux tables pour poser le matériel, un ordinateur connecté à internet, une table de mixage, deux enceintes, quelques micros, des tentures vertes et oranges suspendus aux mûrs pour l’acoustique et le tour est joué.

Dès le lendemain, nous accompagnons Victor Hugo à la Radio del Sol, une radio communautaire située dans le quartier de notre ami, où nous avions participé à une émission il y a deux ans. Victor Hugo y présente quotidiennement, à la mi-journée, une émission d’analyse de l’actualité, qu’il a nommé « Noticias y Algo Más », « Informations, et plus ». Son idée est de reprendre les principaux titres régionaux et nationaux et de les analyser, de les décortiquer. Les auditeurs peuvent appeler pour réagir, ou bien envoyer des messages textos. Comme Victor Hugo connaît beaucoup de monde,  il appelle à chaque émission des personnes qui peuvent faire part aussi de leurs connaissances, ou de leurs témoignages. L’objectif de ce programme est d’être pluraliste, et d’offrir la possibilité à des auditeurs de milieux sociaux et d’idées politiques très différents d’entendre d’autres opinions pour s’ouvrir à d’autres réalités que les leurs.

 


 

La radio de Victor Hugo s’appelle Radio Estrella. Comme il n’a pas de licence ni de matériel pour émettre des ondes, il diffuse par internet. Deux radios, l’une locale (la Radio del Sol) et l’autre départementale (la Radio Nuevo Amanecer), récupèrent en direct l’émission sur internet pour la diffuser sur leurs ondes. Il y a parfois des ratés, comme cette fois où il est allé assister à une rencontre sur le thème de l’énergie, à côté d’un barrage hydroélectrique. Il avait prévu d’émettre son émission en direct, sur place, par le réseau internet sans fil de la téléphonie mobile. Mais les turbines du barrage brouillaient le signal à tel point qu’il n’y avait pas de réseau et que Victor Hugo émettait sans émettre ! Les auditeurs ont pris la mésaventure avec humour quand elle leur a été expliquée le lendemain.


Le soir, entre 21h et 23h, notre ami anime de son studio un programme avec sa compagne Lourdes. Les auditeurs leurs envoient des dédicaces et des demandes de chansons, et eux transmettent avec bonne humeur les messages à l’antenne. Le mercredi soir, deux jeunes prennent le relais avec la « Noche de Rock ». Un mercredi soir que nous sommes là, les deux animateurs ne se présentent pas. Ils sont pompiers volontaires et ont dû partir en mission dans la ville voisine pour combattre un incendie. En deux minutes, nous voilà dans l’urgence à rechercher les chansons que nous avons dans notre ordinateur et trouver quoi raconter entre chacune… Nous avons emmené peu de musique, mais trouvons quelques titres de Noir Désir, Kessexa, la Mano Negra… Nous voilà à l’antenne pour plus d’une heure à commenter en espagnol. C’est drôle !


 

Martin, le fils de Victor Hugo, du haut de ses treize ans, est là pour assurer la technique et le lancement des chansons. Victor Hugo et Lourdes mènent le programme de leur salon, un programme comme à la maison ! D’ailleurs, nous dormons juste à côté derrière un rideau, dans la chambre de Martin qu’il nous prête gentiment.

 

 

 


Au Paraguay, les radios sont très écoutées. Il s’agit bien souvent de radios communautaires ayant un rayon d’émission très restreint, et qui rassemblent une communauté d’auditeurs de la même localité ou du même quartier. Quand Victor Hugo fait son émission « Noticias y Algo Más », il gère à la fois le micro, la technique, la réception des invités quand il y en a. Quand ses correspondants et ses auditeurs l’appellent par téléphone, il transmet la conversation en positionnant  son portable contre le micro. Tout cela laisse une grande flexibilité et une liberté à l’animateur.

art-terre - radio estrella - paraguay

La radio de notre ami est financée par des entreprises, des magasins ou des candidats politiques de la ville qui donnent quelque argent en contrepartie d’être cités dans la liste des partenaires. Grâce à ses financeurs, la radio de Victor Hugo peut fonctionner, mais il faut veiller à ce que les partenaires respectent son choix de pluralité qui est l’idée fondatrice.


A Asunción, nous avons aussi l’occasion de participer à une émission du Père Oliva, chez qui nous restons une semaine. La Radio Solidaridad, située dans le quartier Bañado Sur, le quartier le plus pauvre de la capitale, a été mise en place avec l’aide du Père Oliva. Un vestibule équipé de quelques chaises permet d’accueillir les visiteurs. Quand on passe la porte, on trouve l’animateur, coincé dans son petit coin face à son micro et à son ordinateur, il mène en guarani un programme de musique paraguayenne.

 

Une porte donne dans un studio bien insonorisé, où un unique micro est suspendu au-dessus de la table. C’est là que nous nous installons. Dès les premières minutes d’émission, la chaleur prend le dessus, le studio se transforme en sauna et nous fondons en eau ! Un ventilateur serait trop bruyant, il faut faire sans. Le Père Oliva, deux heures, tous les samedi matin, parle de morale, de conscience citoyenne, il raconte des faits encourageants du quartier… nous y reviendrons prochainement.

 


Nous profitons de notre passage à Asunción pour retrouver Judith, que nous avions rencontré en 2008. Elle nous avait alors parlé de son projet de développer le premier média public libre d’expression du pays. Aujourd’hui, elle est directrice de la Radio Nationale du Paraguay. Nous parvenons à la contacter pour obtenir un rendez-vous avec elle, dès le lendemain. Quand nous arrivons à la radio, la dame de l’accueil nous explique que nous sommes attendus et nous prie de la suivre. Nous traversons le patio, montons un escalier, suivons un couloir et entrons. Nous nous attendions à trouver le bureau de Judith, il n’en est rien !


 

Nous sommes dans un studio, et l’animateur nous prie de nous assoir. Nous voilà partis pour 1h30 d’entretien en direct de la radio nationale publique ! Et bien, quelle accessibilité ! Imaginons une personne arriver au local de Radio France… et se retrouver en direct dans une émission de France Inter ou de France Culture !

 

 

 

 

 

Les échanges avec l’animateur sont très intéressants, et nous avons le temps de bien discuter. Nous notons qu’il a sous les yeux un courriel que nous avions envoyé à Judith, quand nous préparions notre visite depuis la France, pour lui expliquer le sens de notre venue au Paraguay et notre projet « Le Paraguay, vu d’ici, vu de là-bas ». L’information était donc bien arrivée et prise en compte. A la Radio Nationale, le technicien est en régie, et communique avec l’animateur par signes à travers une large vitre. Une inscription s’illumine «al aire » quand les micros émettent sur les ondes ; nous savons alors qu’il ne faut pas dire de bêtises !

Judith nous reçoit après l’émission. Elle nous explique son travail de fond. Depuis son arrivée il y a deux ans, elle a rénové et agrandi le bâtiment, et investi dans du matériel de meilleur qualité pour que le personnel puisse travailler dans de bonnes conditions. Un partenariat avec RFI et Radio France a permis de recevoir un formateur français au sein de la Radio Nationale du Paraguay et d’envoyer deux journalistes paraguayen se former au sein de la radio française.


art-terre - radio nationale du Paraguay

 

L’objectif principal de Judith est d’offrir un média plus libre d’expression, pluraliste et indépendant. Elle travaille actuellement à la mise en place de la première chaine de télévision publique, qui devrait voir le jour au mois de mai 2011. C’est une construction historique !


Sur ce, nous vous envoyons de bonnes ondes…

Gaëlle et Fabien

 

 

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