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Le Paraguay, vu de là-bas

 

En cours...

les Art-terriens, le 28 février 2011,

 

Suite à l’émission de radio avec Victor Hugo, les premiers à nous solliciter sont Fransisco et Jenny. Tous deux travaillent à l’hôpital public de San Ignacio et se chargent de mettre en place un programme de santé mentale au sein de l’hôpital. Une de leurs principales actions dans ce sens est de développer un lieu accueillant des personnes en difficulté psychique, qui ne peuvent pas rester seules chez elles. Dès notre première entrevue, nous suivons Jenny et Fransisco jusqu’au foyer San Fransisco de Asis.

art-terre - activités san ignacioAssis en cercle dans la salle principale, nous nous retrouvons avec les 10 pensionnaires et les deux accompagnants, Jenny, Fransisco. Nous nous présentons rapidement, alors les membres de l’équipe nous expliquent leur demande : ils souhaiteraient impulser  des ateliers autour d’une activité pour les résidents, mais ne savent pas comment s’y prendre. Au fil de la discussion, le projet se construit et se précise : nous reviendrons finalement  vivre au foyer pendant deux jours, afin de nous immerger dans la vie commune du lieu afin entrevoir comment il fonctionne et connaitre un peu chacun des résidents.  Au cours de ces deux jours, nous proposons de former les encadrants pour qu’ils puissent eux-mêmes mener des ateliers une fois que nous serons partis.

Le foyer San Fransisco de Asis accueille 5 hommes et 5 femmes. Deux couples, sous le titre de travailleurs sociaux, se relaient chaque semaine pour prendre soin des résidents, faire la cuisine… Durant leur semaine de travail, ils vivent 24h/24 avec les pensionnaires. Jenny nous explique qu’ils jouent un peu le rôle du Papa et de la Maman, c’est d’ailleurs ainsi qu’ils sont appelés par les pensionnaires, même si certains ont déjà un âge avancé. Les couples encadrants n’ont reçu aucune formation préalable, ainsi Fransisco et Jenny, qui eux sont des professionnels de santé, les accompagnent et les aident dans leur tâche. Les personnes du foyer reçoivent par ailleurs la visite régulière d’une psychologue, qui les fait travailler de manière psychomotrice : elle leur apprend à compter, à écrire, à colorier, à reconnaître les pièces de monnaie…

art-terre - activités san ignacio

Le foyer comprend deux dortoirs, un pour les hommes et un pour les femmes. Une salle commune sert de salle à manger, de salle d’activité, de salle de détente avec la télévision, de salle de réunion, de lieu pour les entretiens… On y trouve même le congélateur pour la nourriture, qui ne rentre pas dans la cuisine. Un préau abritant une petite terrasse permet de prendre l’air, assis sur un banc. Au moment des repas, tout le monde met la main à la patte et la cuisine est tout à coup très convoitée. Les uns préparent le jus de fruit, les autres mettent la table, d’autres encore servent les portions dans chaque assiette, pour les amener ensuite dans la salle commune. Puis tout le monde débarrasse, fait la vaisselle… Une autre chambre est réservée aux accompagnants et sert également de réserve pour tous les aliments du mois : riz, pâtes, yerba mate, sucre, haricots, lait… Tous les aliments sont directement fournis par la structure mère située à Asunción. Régulièrement, des habitants de San Ignacio où des agriculteurs des communautés voisines viennent offrir quelques légumes ou fruits qui sont dégustés au goûter. Les dons en nourriture sont courants, les gens s’entraident avec ce que chacun peu apporter. Alors, la monnaie de la pièce des paysans est rendue au petit monsieur qui vit dans la rue et vient quémander un peu de yerba mate aux encadrants du foyer…


art-terre - activités san ignacioNotre immersion, même de courte durée, nous permet de nous imprégner rapidement de l’ambiance car nous vivons comme les résidents, au rythme du foyer. Au petit matin, Alba sonne le réveil en interpelant au travers de la porte son Papa et sa Maman adoptifs. Toujours très bavarde, elle est un peu la meneuse du groupe, c’est elle qui impulse l’énergie mais aussi, parfois, elle qui impose ses dynamiques ! Le foyer se lève donc, et les pensionnaires arrivent un à un, plus ou moins réveillés, pour boire un mate bien chaud à la fraicheur matinale de la terrasse. Loreto très travailleur, il participe aux tâches du quotidien, il fait le jardin. Luis, plus discret, observe les autres de son petit recoin où il aime se poser tranquillement. Tous les deux sont très attentionnés. Herna passe et repasse. Teresa fume sa cigarette avec des allures de grande dame, assise un peu à l’écart sur les marches de l’entrée du foyer d’où elle peut observer à sa guise les passants matinaux. Miguel qui est reconnu par ses compagnons pour ses talents de danseur de polka, papote avec son ami Victorino en se passant cordialement le maté, comme la tradition le veut. Victorino, très timide mais très attentionné, prend son courage à deux mains pour venir nous saluer ce matin-là. Arrive ensuite Iselina, qui rigole de tout, tout le temps, même au réveil ! Personne ne peut rester indifférent à ses rires contagieux et à sa bonne humeur, elle dégage une énergie positive qui se propage... Son attitude contraste  avec la douleur qu’exprime le visage de Marta. Mais il suffit parfois d’entamer la discussion sur la cuisine ou la danse, pour que Marta s’illumine d’un large sourire et se mettent à parler, notamment de sa nouvelle famille d’accueil qui, précise-t-elle, ne lève jamais la main sur elle. Cirilo, doux et calme, est simplement là.


art-terre - activités San Ignacio

Nous nous asseyons en compagnie de tous, confortablement installés sur deux chaises, un thermo d’eau chaude et un verre de mate à la main, et savourons le temps de se réveiller et de penser à cette journée qui commence…

Le petit déjeuner arrive ensuite, avec du pain et du café au lait. Puis de nouveau, le groupe se rassemble autour du repas. Carlos, qui ne fait pas partie des résidents, se joint aux autres pour partager les repas du midi. Il nous précise des dates importantes de l’Histoire, nous récite des poèmes, nous explique la géographie et les climats... qu’il connait bien puisqu’il a, dit-il, beaucoup voyagé. Nous sommes stupéfaits par son savoir livresque. Sur la religion, aussi, il a beaucoup de connaissance et est capable de réciter des extraits de la Bible… c’est normal, nous explique-t-il, puisqu’il est Jésus ! Carlos s’identifie aux personnages de ses récits, il est tantôt Napoléon, tantôt Christoph Colomb, tantôt Tarzan, mais le plus souvent Jésus… Après le repas et la sieste digestive, vient le moment du terere, suivi d’un court moment d’activité libre où, généralement, les résidents dansent.

Le deuxième jour, durant toute la matinée, nous menons notre formation à la mise en place d’ateliers réguliers  au sein du foyer. Le but de notre intervention est de proposer une méthodologie d’animation d’atelier d’expression dans le but de créer une dynamique de groupe, de valoriser chaque personne du foyer et d’améliorer leur vie quotidienne très monotone.

Les résidents et les encadrants participent à la rencontre, mais aussi des professionnels de santé : médecins, psychologues, infirmiers... Certains sont en ce moment en vacances mais  ne veulent pas rater l’occasion d’apprendre et se joignent malgré tout au groupe.

Nous introduisons la matinée en nous présentant : nos formations, notre projet, nos expériences professionnelles… La formation se déroule en deux temps : une mise en situation d’atelier, puis une réflexion sur la pratique en compagnie des professionnels.

Quand nous nous mettons en action tous ensembles, pour pouvoir expérimenter de l’intérieur un atelier d’expression, tous se prêtent au jeu, les médecins avec les résidents. Nous proposons des exercices et des thèmes très simples qui éveillent l’intérêt et la créativité de tous. En une heure et demie, nous avons déjà deux scènes théâtrales qui se dessinent et nous avons bien rit !


art-terre - activités san ignacioLa synthèse suit le moment pratique de l’atelier. En interrogeant les participants, nous  conduisons une analyse collective du déroulement de l’activité. Qu’est ce qui a bien marché ou pas ? Pourquoi ? Les différentes étapes et composantes sont définies : l’accueil du groupe et sa mise en confiance, le travail autour d’exercices simples, la valorisation des capacités de chacun pour éveiller la motivation, la construction d’une production commune, la projection sur la prochaine séance, et enfin l’évaluation avec les participants du moment passé ensemble. Nous terminons la rencontre par des questions libres et une discussion plus informelle sur les expériences de chacun et le bilan de la matinée. L’équipe semble emballée et Jenny nous informe qu’elle s’engage personnellement à veiller à ce qu’un atelier soit mis en place par les encadrants dans les semaines à venir pour que lors de notre prochain passage à San Ignacio, au mois d’avril, nous puissions voir le travail qui a été effectué et échanger à nouveaux avec les intervenants.

 


A San Ignacio, il n’existe pas de maison de retraite. Le plus souvent, les familles se rassemblent et les enfants prennent soin de leurs parents devenus vieux. Mais il existe des cas où les personnes âgées n’ont pas d’assistance, c’est ce qui a été observé lors du dernier recensement, il y a environ 3 ans : des personnes âgées vivant dans un état de grande détresse du fait de leur isolement, de leur maladie, de leur dépendance, de la maltraitance de leur famille et/ou de leur pauvreté.

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Un groupe de personnes volontaires s’est rassemblé autour de cette problématique pour créer un foyer accueillant ces personnes âgées, soutenu par l’Asociación Internacionale de Caridad, Association Internationale de Charité.

Aujourd’hui le foyer accueille 7 personnes. Contrairement au foyer San Francisco de Asis, qui est rattaché et financé par le un service public de santé, la maison de retraite est uniquement soutenue par un travail volontaire et bénévole et par des dons en nature et financiers. En ce sens, c’est une œuvre de charité, qui prend en charge une problématique pourtant publique. Seuls les infirmiers qui viennent faire les soins sont rémunérés.

art-terre - activités san ignacioNorma en est l’une des principales actrices, c’est d’ailleurs une personne de sa famille qui prête gracieusement la maisonnette où vivent actuellement les personnes âgées.  Elle nous raconte que cette maison est certes très rudimentaire, mais qu’en comparaison aux conditions dans lesquelles vivaient ces personnes, c’est le luxe ! C’était une urgence car certains étaient vraiment dans un mauvais état ! Elle a réussi à obtenir, d’une entreprise importante du pays, le financement de l’achat et de la rénovation d’un bâtiment qui accueillera prochainement le foyer. Le projet avance petit à petit…

Norma, dans le but d’apporter un peu de joie et de divertissement aux résidents, nous invite à jouer de la musique à l’ombre de la petite maison que permet le soleil bas de la fin de journée. Les résidents sont ravis et participent activement à la rencontre en tapant des mains, en chantant… Ils nous parlent de leurs vies passées. Un monsieur est un ancien joueur de foot professionnel, un autre sait parler allemand, un autre nous parle de sa vie de paysan… A la fin de l’après-midi musicale et d’échange, nous dégustons un bon goûter avec des croissants au dulce de leche et du chocolat au lait.

 


Un autre jour de la semaine, nous accompagnons Victor Hugo, pour une matinée, au sein du cours de préparation des jeunes aux examens d’entrée à ce qui serait pour nous le lycée, qu’il a instauré depuis quelques années. Victor Hugo nous explique que les classes du lycée sont déjà orientées vers une filière : informatique, agronomie, sciences… Les tests d’admission sont des exercices psychotechniques et de logique.

art-terre - activités san ignacioLe cours accueille plus d’une centaine d’étudiants, qui s’inscrivent de manière volontaire. Heureusement que la salle est grande ! Inutile de vous dire, malgré tout, qu’au milieu du bruit des chaises et des ventilateurs, les élèves du fond ne doivent pas entendre grand-chose ! Il n’y a pas de table ou de bureau à proprement parler, ça ne rentrerait pas dans l’espace. Les chaises sont équipées directement d’une tablette pour écrire. Malgré ces conditions difficiles, le cours rencontre chaque année plus de succès, et il montre de bons résultats pour les étudiants.

Nous proposons un atelier, pour témoigner de notre expérience de voyage et d’initiative personnelle et pour motiver les jeunes à étudier. Ceux-ci participent et sont très intéressés, même ceux du fond ! Quelques jours plus tard, certains nous interpellent pour discuter dans la rue. Leur examen se rapproche, souhaitons-leur “¡Suerte!”.

 


art-terre - activités san ignacioLourdes nous conduit à la Escuela Abierta, le centre aéré où vont ses deux enfants lors des grandes vacances. Le programme très changeant ne permet pas d’organiser l’atelier régulier de théâtre comme nous le pensions. Alors, nous préférons proposer une matinée musicale accompagnée d’une initiation à quelques danses traditionnelles françaises. Nous mobilisons l’ensemble des enfants et, parmi eux, une bonne quarantaine de danseurs ! Martin, ayant déjà pratiqué avec nous, devient pour un temps le chef de la danse et se plait à montrer aux autres enfants.

La Escuela Abierta des vacances ferme à la fin de la semaine car la rentrée scolaire se rapproche. Pour marquer la clôture, une peinture murale réalisée par les adolescents est inaugurée le dernier jour. Cette œuvre originale fait référence au bicentenaire de l’Indépendance du Paraguay, qui se célèbrera au mois de mai 2011. Différents symboles de l’Histoire du pays et de la ville de San Ignacio y figurent : le drapeau national, le drapeau du département de Misiones, les plumes des indiens guaranis, les moines jésuites qui ont fondé la ville, le train qui ne passe plus à San Ignacio, les bougies de la Procession de la Semaine Sainte, les anciens combattants de la guerre du Chaco, le fleuve qui a donné son nom au pays et qui est un élément très important de la culture guaranie, la chaine brisée symbolisant l’Indépendance.

art-terre - activité san ignacio

 

Toutes ces activités ont permis de belles rencontres et nous ont baignés dans des univers qui nous en apprennent beaucoup sur le Paraguay… et sur la construction d’œuvres qui existent déjà chez nous, à tel point qu’on en oublie parfois leurs fondements et leur valeur.


A bientôt, Gaëlle et Fabien

 

 

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