Le Paraguay, vu de là-bas

 

Kati, modeste modista

les Art-terriens, le 12 mai 2011,

 

Notre visite au Paraguay est arrivée à son terme, et nous voilà tout juste de retour en France. Pendant notre séjour, nous avons été très occupés et nos écrits se sont fait dépasser par le temps. Mais comme nous voulons tout vous raconter, nous allons continuer d’écrire et de mettre en forme nos notes sur ce site, si bien que vous pourrez continuer à suivre l’aventure, même en différé. Peu importe puisque nous n’avons pas de scoop, juste la richesse du temps passé avec les gens.

 

 


Notre participation au Carnaval avec le groupe de la Guyra Campana nous permet de connaître Kati, la couturière. C’est elle qui, avec une maîtrise impressionnante, a confectionné, en moins d’une semaine, la trentaine de tenues pour la troupe. Les soirs après les répétitions, à la nuit tombée, nous passons chez elle pour des séances d’essayage.

La maison de Kati est située le long de la route asphaltée qui mène à Puerto Antequera. C’est une maison typique paraguayenne, montée de briques recouvertes d’une peinture vive. Pour signaler notre venue, nous tapons dans nos mains depuis le portillon. Le son traverse la terrasse et, à travers la porte de son atelier toujours ouverte, Kati nous répond, en signe d’invitation : « ¿Como estan ? ¡Pasen ! ». L’atelier de Kati se trouve dans la première pièce de sa maison, une pièce toute verte, décorée de quelques cadres. Des chaises sont là pour accueillir les clients ou les compagnons de parlotte. Il y a un sofa et une table sur lesquels elle dispose l’ensemble de ses travaux en cours. Le volume de son activité pourrait se mesurer aux tas de tissus répartis ici et là ; on se demande comment elle fait pour s’y retrouver ! La quantité de travail impose même parfois de déposer une partie de ses ouvrages sur son lit dans la pièce voisine, alors Kati utilise du même coup sa chambre comme salle d’essayage.


art-terre - kati modista

Fabien a besoin d’un costume. Notre rencontre avec Kati est l’opportunité idéale, et sur mesure s’il vous plait ! Autour de ce projet, nous planifions des temps de confection auxquels nous assistons pour suivre des cours de couture. Nous venons régulièrement chez notre amie couturière pour participer à la constitution du costume. Une fois les mesures prises, il faut choisir le tissu… nous rejoignons Kati pour nous rendre à sa boutique fétiche. On y achète tout au détail : mètres de tissus, boutons, épaulettes, entretoile, fermeture-éclair, doublure… De retour chez elle, Kati trace un patron sur du papier : un centimètre en moins sur le devant, deux en plus sur l’arrière, plus apprêté sur le devant, plus ample sur l’arrière avec une petite pince pour cintrer…

Kati dispose méthodiquement son patron pour le reporter sur le tissu. Elle utilise une bougie telle une craie, qui teinte de blanc la toile. Elle explique que la cire part directement au repassage… Ensuite, c’est l’étape de la découpe. Elle indique les ourlets à ne pas oublier et laisse à Gaëlle le soin de cette étape… ses ciseaux ne coupent absolument rien ! Quel effort pour couper droit sans se faire des ampoules ni froisser le tissu ! Quand c’est elle qui manie l’outil pourtant, on ne remarque rien !

art-terre - kati modista

 

Puis c’est le moment d’assembler les pièces, jusqu’à la dernière. Nous voyons peu à peu le costume prendre forme. Kati possède deux machines à coudre qu’elle a disposées sur une même table. Elle les appelle en riant ses deux meilleures amies, les plus fidèles. Kati ne travaille qu’avec l’une d’elle, tant et si bien qu’elle finit par disposer un peu plus loin sa seconde machine pour avoir un plan de travail plus spacieux. Elle enfile les tissus dans la machine avec une agilité et une précision déconcertante. En plus de coudre, elle doit veiller à ce que son engin ne prenne pas la fuite. En effet, l’appareil, sorti de son emplacement pour qu’il soit plus élevé, n’est pas fixé, et ses vibrations lui font prendre la poudre d’escampette. Puis, ce sont les charbons qui fatiguent, alors la machine répond avec un temps de retard aux commandes de la pédale.

Une fois le travail de costume terminé, le gros œuvre à la machine et les finitions à la main, il ne reste pas un seul centimètre de tissu, tout est utilisé. Elle à l’œil juste, Kati ! Fabien passe dans la cabine d’essayage, Kati décèle les défauts et y remédie en deux coups de ciseaux et d’aiguilles. Le complet est fin prêt.

art-terre - kati modista

 

Lors de nos visites, les clients défilent. Kati a du boulot ! Une dame vient pour un pyjama car elle rentre bientôt à l’hôpital pour une opération. Un professeur de danse commande des polleras, les larges jupes traditionnelles, pour son groupe. Une femme fait ajuster l’ourlet du pantalon trop court qu’elle vient de récupérer. Un étudiant demande le même costume que celui de Fabien, en voyant Kati le confectionner, ça lui a donné envie… Les gens n’hésitent pas à faire appel à elle pour tout type de vêtements. Ses prix sont bas comparés aux heures qu’elle y passe et pour compéter avec les prix des vêtements industriels que l’on trouve dans les commerces. Mais nous réalisons aussi que les gens sont prêts à investir dans la confection d’un vêtement, pour une occasion, pour un groupe de danse, pour un évènement scolaire… ce qui représente souvent un sacrifice compte-tenu de leurs revenus. Le travail manuel et traditionnel perdure grâce à cet engagement de chacun, qui permet de conserver les savoir-faire artisanaux populaires autre part que dans des musées.

art-terre - kati modista

 

Malgré son labeur quotidien, Kati prend le temps de nous expliquer ses techniques et de nous inclure dans son activité de confection. Nous prenons vraiment goût à être avec elle et à découvrir son métier passionnant de couturière, de modeste modista.

 

A bientôt, Gaëlle et Fabien

 

 

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