Le Paraguay, vu de là-bas

 

Les danseuses de Puerto Antequera

les Art-terriens, le 23 mai 2011,

 

Notre visite au Paraguay est arrivée à son terme, et nous voilà tout juste de retour en France. Pendant notre séjour, nous avons été très occupés et nos écrits se sont fait dépasser par le temps. Mais comme nous voulons tout vous raconter, nous allons continuer d’écrire et de mettre en forme nos notes sur ce site, si bien que vous pourrez continuer à suivre l’aventure, même en différé. Peu importe puisque nous n’avons pas de scoop, juste la richesse du temps passé avec les gens.

 


Notre ami Marcelo est professeur de danse auprès du Ballet Municipal de Puerto Antequera, une petite ville voisine de San Pedro de Ycuamandyyú. Il nous explique qu’il a repris le groupe il y a une petite année. L’ancienne enseignante ne semblait pas vouloir intégrer de garçons, alors le ballet est pour l’heure exclusivement féminin. Marcelo, qui connaît de nombreuses danses masculines du Paraguay et d’Argentine, aimerait intégrer des jeunes hommes, mais ceux-ci sont difficiles à motiver. Ça viendra avec le temps…


art-terre - Ballet Municipal de Puerto Antequera


Sa première difficulté, nous explique-t-il, concerne le lieu de répétition. La Municipalité laisse une salle à disposition, mais celle-ci est souvent utilisée, et le groupe se retrouve à la porte. Lors de notre première visite, effectivement, il faut un bon moment pour que nous puissions récupérer la clé. Puis, nous constatons que la salle est occupée pour stocker des marchandises destinées à être distribuées aux habitants les plus démunis. Mais heureusement, il reste assez de place pour pratiquer, alors les filles se mettent directement au travail.


Le Ballet Municipal d’Antequera est composé de deux groupes, celui des plus jeunes et celui des adolescentes. C’est la première fois que nous nous rencontrons, et la timidité des danseuses leur fait presque perdre leurs moyens. Rendez-vous compte, deux visiteurs à l’improviste qui viennent de la France !!! Elles nous montrent quelques chorégraphies, et nous expliquent que l’an dernier, elles ont participé à un festival et gagné le premier prix. Marcelo est rigoureux et les fait beaucoup travailler, les résultats sont là ! Il aimerait les conduire à des compétitions plus lointaines, mais cela demande des moyens qu’il n’a pas encore réussi à obtenir : uniformes au nom du Ballet Municipal d’Antequera, transport des danseuses, frais d’inscription aux festivals… Comme la timidité commence à s’effacer, nous décidons de nous retrouver la semaine suivante, pour un échange plus approfondi. Nous effectuons les démarches avec Marcelo, et obtenons qu’une belle salle de la mairie nous soit prêtée.


art-terre - Ballet Municipal de Puerto Antequera


Le jour J, nous venons avec nos instruments de musique, et les filles arrivent avec leurs belles tenues et tous leurs accessoires. Elles sont vêtues de leurs magnifiques polleras, qui sont de très larges jupes colorées, et de leurs chemisiers dentelés. Elles se sont maquillées pour l’occasion, et se sont coiffées de chignons ou de nattes ornées de fleurs. Elles sont ravissantes. Monsieur le Maire et son adjoint à la culture sont présents, comme quelques parents. Le maire a introduit la rencontre en félicitant les jeunes de s’impliquer pendant leur temps libre dans des activités comme la danse, qui demandent rigueur et apprentissage et valorisent la culture paraguayenne. Nous ouvrons ensuite le bal en musique en montrant quelques danses traditionnelles françaises, puis les filles nous relaient…

Marcelo nous explique qu’il existe deux types de polkas : les « polkas tradicionales », dont les chorégraphies sont fixes et imposées, et les « polkas de proyección », dont les chorégraphies et les figures sont à inventer. Lui utilise les deux. Il axe son travail sur le témoignage de la culture traditionnelle rurale en proposant des chorégraphies imagées représentant des gestes de la vie quotidienne.


art-terre - Ballet Municipal de Puerto Antequera


Le groupe des plus jeunes entame une première danse, « Chiperitas », qui leur a permis de gagner le premier prix du concours du Festival del Jejui. Les danseuses ont des paniers, et imitent les gestes des vendeurs de chipas. Elles le portent sur la tête, interpellent les clients, montrent le contenu de leur panier.

Puis, « Vendedoras de poha ro`ysa », qui expose le travail des vendeuses de remedio. On voit la paysanne arriver avec son âne chargé de plantes médicinales, qu’elle répartit à ses collègues. Puis les vendeuses pilent les herbes pour agrémenter le terere, et dansent avec leurs paniers.

Enfin, « Lavanderas de Puerto Antequera » montre les lavandières se rendant au bord du fleuve Paraguay, qui borde Puerto Antequera, pour laver leur linge. Les fillettes dansent avec des bassines comme celles qui s’utilisent dans la vie quotidienne.


art-terre - Ballet Municipal de Puerto Antequera


Les adolescentes suivent, et présentent une première danse, « Tejedoras de ñanduti », qui montre le travail des tisseuses-brodeuses, avec des cadres en toile brodés que les filles ont fabriqué elles-mêmes.

Puis, la musique « 3 de Mayo », sur laquelle les danseuses, coiffées de voiles, représentent la procession en honneur à la Vierge patronne de Puerto Antequera.

Suit la « Dansa de la botella », qui illustre les fermières qui allaient vendre le lait en portant la bouteille sur la tête.

« Pajaro campana » est un air paraguayen très célèbre, qui imite l’oiseau dont le chant ressemble au son d’une cloche, d’où son nom d’« oiseau cloche ». Les danseuses représentent les mouvements de l’oiseau à l’aide de tissus marron et blanc aux couleurs de son plumage.


art-terre - Ballet Municipal de Puerto Antequera


« Che trompo araza » est une toupie taillée dans du bois de goyave. Cette musique est l’hymne du Bicentenaire de l’Indépendance du Paraguay que se célèbre le 14 mai 2011. La chorégraphie imite le mouvement et la façon de se déplacer d’une toupie.

Enfin, la danse de la « Galopera », très rapide, est une véritable prouesse puisque les danseuses effectuent des figures avec un cantaro, un pot en terre, en équilibre sur la tête. Elles vont jusqu’à s’allonger au sol et tourner sur elles-mêmes sans faire tomber la poterie.


art-terre - Ballet Municipal de Puerto Antequera


Pour terminer la rencontre en beauté, Marcelo offre un goûter de soda et de torta, un gâteau maison cuisiné et vendu par une voisine. Nous en profitons pour demander aux jeunes filles pourquoi elles s’investissent dans la danse. « ça me permet de ne plus avoir honte », « pour montrer mes talents », « pour apprendre, pour me divertir », « pour sortir de chez moi », « pour représenter la culture de mon pays », « pour me retrouver dans un groupe et partager »…


En échangeant, nous réalisons qu’il existe des familiarités entre des danses françaises et paraguayennes. Par exemple, la scottish a des pas similaire à une danse latino appelée chotiz. Il y a de la parenté dans l’air ! Nous remarquons aussi, qu’une forme de polka de groupe reprend les mêmes figures que le cercle circassien. Les danses voyagent et migrent avec les Hommes, puis elles s’installent dans un nouvel univers, s’implantent, et diversifient la culture locale. De même, de nombreuses chansons françaises reprennent des airs traditionnels de polka, comme « Entraînée par la foule » d’Edith Piaf. Ainsi vivent les cultures, en s’enrichissant des autres, en se nourrissant de l’identité de ceux qui la composent, en s’adaptant aux conditions de vie locales… C’est toute la richesse de la diversité culturelle et des rencontres entre les cultures sur un plan d’égalité.


art-terre - Ballet Municipal de Puerto Antequera


Comme l’écrit le groupe Mes Aïeux du Québec : « Eteint donc ta TV, faut pas rester encabané. Heureusement qu’dans la vie certaines choses refusent de changer. Enfiles tes plus beaux habits, car nous allons ce soir danser ». (Mes Aieux, Dégénérations, 2004)


A vos bals…

Gaëlle et Fabien

 

 

 

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