Le Paraguay, vu de là-bas

 

Le guarani

les Art-terriens, le 7 juin 2011,

 

Notre visite au Paraguay est arrivée à son terme, et nous voilà tout juste de retour en France. Pendant notre séjour, nous avons été très occupés et nos écrits se sont fait dépasser par le temps. Mais comme nous voulons tout vous raconter, nous allons continuer d’écrire et de mettre en forme nos notes sur ce site, si bien que vous pourrez continuer à suivre l’aventure, même en différé. Peu importe puisque nous n’avons pas de scoop, juste la richesse du temps passé avec les gens.


 

Le Paraguay possède deux langues officielles, l’Espagnol et le Guarani, qui sont toutes les deux très pratiquées. Une richesse que beaucoup de Paraguayens que nous rencontrons mettent en avant. D’autres, notamment à la capitale, ne parlent pas le guarani, peut-être parce qu’ils sont plus attachés à l’image véhiculée du modernisme ou simplement par manque de temps pour l’apprendre… Nous notons qu’en général, cela dépend des catégories sociales, plus le niveau de vie est élevé, moins le guarani est utilisé. En milieu rural, au contraire, il arrive fréquemment que les personnes ne soient pas à l’aise avec l’espagnol.

Durant la dictature, entre 1954 et 1989, le guarani était totalement interdit, les gens devaient s’exprimer en espagnol. Aujourd’hui, il est reconnu comme une langue officielle du pays dans la Constitution de 1992 et fait partie de l’enseignement du programme scolaire. Les Paraguayens apprennent désormais à l’écrire, ce qui n’est pas chose facile car c’est une langue à tradition orale.


Les intonations du guarani sont très dynamiques et chantantes. Les voyelles et les consonnes peuvent être nasales, il existe même un son guttural et un autre guttural et nasal à la fois ! Même si nous avons aussi des sonorités nasales dans notre langue, nos oreilles de français ont parfois du mal à distinguer un « ã » nasal d’un « õ » nasal !

Nous apprenons quelques rudiments avec Silvana : la prononciation des consonnes et des voyelles, les pronoms, les formules de politesse, la conjugaison. Peu à peu, nous maîtrisons une petite base : Aguyje : merci. Iporã : bien. Heterei : délicieux... et aussi les salutations inévitables qui s’ajustent aux moments clés de la journée: Mba’eichapa neko’ĕ? au levé du jour. Mba’eichapa ndepyhareve? en matinée. Mba’eichapa ndeasaje? à l’heure de la sieste en début d’après-midi. Mba’eichapa ndeka’aru? dans l’après-midi. Et enfin Maba’eichapa ndepyhare? en soirée, à la nuit tombée.

Nous remarquons que le guarani est très explicite. Un puits se dit trou d’eau : Ykua. Pêcher se dit attraper du poisson : pirakutu. Un four est un trou de feu : tatakua.  Les cheveux sont des poils de tête : akarague. Le chiffre 5 est une main, et la main est le chiffre 5 : Po !


art-terre - le guarani

 

A son tour, Marcelo nous explique que le guarani est très imagé, et se prête bien à la taquinerie. Il utilise des allusions à la nature, aux animaux et à leur façon d’agir. Alors entre deux éclats de rire, Marcelo nous apprend quelques expressions : Tahy pytaicha se traduit littéralement par « tu es comme une fourmi rouge », pour quelqu’un de petit mais costaud, car les fourmis rouges sont minuscules mais piquent fort. Ñandu karupe veut dire « agir comme une araignée », et exprime le fait de ramasser méthodiquement les choses une part une, en référence à la manière de se déplacer d’une araignée locale. Nde karumbe pour dire « tu es une tortue » et désigner une personne qui est lente. Nde Mboi,  « tu es un serpent », pour une personne qui passe de manière fuyante, sans saluer…

Nous remarquons que le guarani est plus propice quand l’ambiance se détend et se prête à la rigolade ou à la plaisanterie. Les échanges en espagnol se poursuivent alors tout naturellement en guarani. Dans ces cas là, même si nous ne comprenons plus rien, nous rions, portés par la bonne humeur et les éclats de rire généraux. Le guarani se parle entre amis, en famille, lors de moments conviviaux, tandis que l’espagnol est plutôt employé au travail, dans des rapports plus formels. Ces deux langues ont donc un rôle et une utilité distincts.

Il nous arrive de demander la traduction d’un mot ou d’une expression en guarani, et notre interlocuteur reste perplexe ne sachant pas quoi répondre ! C’est qu’un mot n’a pas forcement son exacte traduction. C’est sûrement pour cette raison que le guarani et l’espagnol se mélangent dans une même phrase, dans une conversation. On use l’expression dans la langue la mieux appropriée à ce qu’on veut dire…


Pendant notre séjour, notre esprit est très sollicité pour nous imprégner de la culture, du mode de vie, apprendre la musique, la danse, découvrir les gens, animer des ateliers, écrire… En plus de tout ça, il nous est très difficile d’intégrer une nouvelle langue, c’est pourquoi nous n’avançons pas très vite en guarani !

Mais nous notons, par contre, qu’une langue est bien plus que des mots assemblés bout à bout et qui répondent à des règles grammaticales. Une langue véhicule surtout une manière de penser, une façon d’appréhender le temps et l’environnement. Une langue incarne toute une culture et un état d’esprit, toute une histoire, un humour, une façon de voir la vie. Dans ce sens, même si nous n’étoffons pas notre vocabulaire, à force de baigner dans la culture guarani, nous découvrons un peu l’esprit de cette langue.


A San Pedro, les personnes que nous fréquentons font beaucoup d’efforts pour nous parler en espagnol. Leur envie de communiquer et de partager les motive à formuler leurs idées dans une langue avec laquelle elles ne sont pas très à l’aise. Conscient de ce pas qu’elles font vers nous, nous essayons de dire le peu de guarani que nous connaissons, en retour… au plus grand plaisir de nos interlocuteurs !

Jajeocha peve,

Gaëlle et Fabien

 

 

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